VRML en a rêvé, Blender le fait

Petite scène concoctée sans grand soin… mais entamée en 1998.

Je doute que la superbe scène que vous êtes en train de contempler vous fasse autant d’effet qu’à moi, mais elle commence enfin à ressembler à ce que j’espérais obtenir quand j’ai commencé à fantasmer et travailler sur elle, aux environs de 1998, autrement dit il y a… la bagatelle de vingt-quatre ans.

A l’époque, la technologie à la mode en matière de 3D était le langage VRML, VRML comme « Virtual Reality Modeling Language ». Ca n’était rien de moins qu’un standard international (je n’exagère pas du tout, il avait bel et bien fait l’objet de réunions de l’International Standard Organization, la fameuse ISO, des deux côtés de l’Atlantique voire du Pacifique) — et ce supposé nouveau standard, VRML, ne cachait pas son ambition d’être un jour pour la 3D ce que HTML commençait alors à peine à devenir pour la navigation sur Internet.

Aujourd’hui, ce que je vous montre vous fait probablement l’effet du summum de la ringardise, mais à l’époque ça pouvait au contraire passer pour quelque chose de futuriste et de très en avance sur son temps — probablement trop, même, car le trop ambitieux VRML a hélas fini assez vite en eau de boudin.

Pour concocter une horreur comme celle que je vous montre, ce n’était même pas la peine d’essayer de travailler avec une machine de bureau (même si c’est quand même ce que j’ai fait à l’époque, et en plus nous étions sans doute quelques dizaines de milliers de mordus à avoir la même ambition pharaonique au même moment). Non, pour arriver à gérer une telle complexité, même si aujourd’hui elle vous paraît sans doute bien modeste, il fallait faire les frais d’une station de travail Silicon Graphics qui valait trois à cinq fois plus cher que nos ordinateurs de bureau, et sur laquelle on devait en plus faire tourner un logiciel propriétaire du type 3D Studio — ancêtre de l’actuel Autocad 3DS Max–, lequel coûtait pour sa part environ trois mois de salaire rien qu’à l’achat, c’est-à-dire sans parler du coût des mises à jour annuelles et nonobstant obligatoires.

Eh bien, comme vous le voyez, en 2022 on parvient — en tout cas, moi, je parviens — à faire, sinon aussi bien, du moins pas vraiment plus mal, sur une machine assez banale et même déjà un peu antique. J’ai fait ce que vous êtes en train de voir sur mon bête ordinateur de bureau — lequel était certes à la pointe du progrès quand je l’ai fait monter, mais c’était il y a déjà cinq ans, et en plus à l’époque j’avais été trop fauché ou trop radin pour l’équiper d’une carte graphique, de sorte qu’il n’en dispose toujours pas: tout ce que vous voyez a donc été calculé par les quatre petits coeurs d’un processeur unique. Et au lieu de faire ça avec un soft privateur qui vaut la peau des fesses, j’ai utilisé un logiciel libre et donc obtenu sans bourse délier. Vous l’aviez deviné, il s’agit bien sûr de Blender — en version 2.93 LTS, et avec le moteur de rendu Eevee vu que je n’ai pas de carte graphique pour faire tourner Cycles.

Vous avez donc sous les yeux, grâce à Blender et à mon petit talent acquis en une grosse vingtaine d’années de bidouille, à peu près ce sur quoi les archi-geeks fantasmaient vers 1998: une scène 3D d’une cinquantaine de mètres de large, avec tout plein de perspective, un arrière-plan, des textures, des détails à l’échelle du centimètre voire un peu moins et, pardonnez-moi d’avoir l’immodestie de m’en vanter, des mouvements de caméra réguliers quoique occasionnellement complexes.

De la 3D maillée, texturée, animée. C’est ce que j’espérais faire en 1998, et ça reste la limite de mes ambitions en l’an de grâce 2022. Si vous savez faire mieux, je vous en félicite, mais si vous ne savez même pas en faire autant, alors c’est peut-être le signe que je n’ai pas bossé tout à fait pour rien au cours des vingt dernières années.